Votre question porte en définitive sur l’importance ou l’intérêt de l’institution matrimoniale. Il s’agit ainsi de savoir si la forme de votre union -de type concubinaire- n’est pas équivalente, voire préférable au mariage. Autrement dit, y a-t-il un avantage véritable à ce que votre relation « aboutisse » au mariage? Après tout, quelle différence?
Plusieurs angles d’approche peuvent permettre d’envisager votre préoccupation. Notre argumentation alternera une adresse directe à un ton impersonnel.
Tout d’abord, il convient de se demander ce qui fonde votre couple, et ce que vous envisagez plus tard : vivez-vous une « expérimentation » ou plutôt une « transition » vers le mariage? Il est clair que chaque cas implique une perspective éthique distincte. Plus encore, si la raison d’être de votre relation tient uniquement à vos sentiments réciproques, la base paraît friable et cela risque de compromettre irrémédiablement l’avenir de votre ménage. En effet les sentiments sont fluctuants et ne sauraient suffire à constituer un couple, parce qu’ils peuvent faiblir et/ou disparaître. Le mariage au contraire appelle à dépasser les aléas du sentiment, notamment parce qu’il considère l’amour comme un choix et une décision à assumer librement et durablement, tâche qui exige l’implication de la volonté. A défaut, l’on est dans une optique « contractuelle » ou « associative », qui laisse la possibilité de se séparer à l’amiable en cas de désaccords ou d’incompatibilités. Telle est bien la visée de l’institution matrimoniale, qui est la forme dont se dote une société pour assurer sa pérennité, en garantissant au mieux les intérêts de ses membres. Il est donc bon que la vie à deux soit non pas la conséquence de circonstances fortuites, mais l’objet d’un choix délibéré et conscient de s’engager, de se lier pour la vie.
Dans le cadre du mariage, cet acte de volonté se traduit par une parole fondatrice qui va plus loin que le simple aveu des sentiments : c’est une déclaration solennelle et publique qui se fait devant des témoins : non pas une déclaration d’amour, mais la déclaration d’un choix, d’une décision de vivre ensemble pour la vie
Nous touchons là à la nature de la vie conjugale. Dans notre contexte culturel qui idéalise la subjectivité et la conscience de l’individu, les partenaires tendent à se considérer comme les seules parties prenantes à leur relation, et donc à la voir comme une affaire strictement privée. Or, la relation conjugale doit déborder le cadre intime et intégrer un aspect objectif, puisqu’elle intéresse aussi des tiers. En effet, en plus d’être un engagement individuel, le mariage est également un acte qui concerne la communauté, car il engendre une nouvelle cellule sociale, qui a des droits et des devoirs. Par le mariage, les partenaires deviennent ainsi un « couple de droit ». Cela fait dire au professeur X. Lacroix que la société s’engage envers les époux et les époux s’engagent devant la société.
Face aux nombreux divorces observables aujourd’hui, la cohabitation peut offrir l’illusion de plus de liberté et de souplesse. Mais cette forme de vie commune fragilise les parties en présence, en les mettant dans une situation précaire. En cas de rupture par exemple, la règle devient celle de la « raison du plus fort ». En effet, puisque le concubinage est en marge du droit, la femme (généralement) peut être abandonnée arbitrairement sans aucune garantie. L’homme est souvent exclu de la garde des enfants engendrés. Pour eux, c’est une fragilité psychologique de se dire que leurs parents sont des célibataires, comme le fait remarquer le professeur X. Lacroix. Celui-ci soulève aussi une incohérence éthique, qui est le fait pour les « cohabitants » de refuser toutes les obligations liées au mariage, alors qu’ils profitent volontiers de tous les avantages y afférent (notamment en matière de prestations sociales ou de déclarations fiscales).

Comment pouvons-nous exprimer la totalité du langage de notre amour, si nous ne vivons pas de cette promesse qui unit les cœurs : « Je te reçois et je me donne à toi, pour t’aimer fidèlement » ? Le lien physique de l’amour n’est-il pas l’expression, sans NOUS donner totalement d’un lien plus profond : l’engagement mutuel ? Notre amour l’un pour l’autre ne se réalisera pleinement que si je consens à engager ma vie pour toi, à te faire totalement confiance et à renoncer à des choix personnels par amour pour toi et réciproquement. Rien ne sert d’attendre. Au contraire, nous aliénons nos libertés à ne pas nous choisir véritablement, sans nous donner l’un à l’autre sans condition, de façon définitive et exclusive.
Ainsi, l’expérience véritable de ma liberté ne se fera-t-elle pas que le jour où je te dirai et devant témoins : « Je t’ai choisi et veux-tu vivre avec moi pour la vie ? ». L’engagement est un lieu où ma liberté peut grandir par mon désir d’aimer vraiment. L’amour n’est-il pas finalement la seule vraie et unique bonne raison de se marier à l’Église ? Le commandement de l’amour n’est pas un ordre que Dieu donne mais une loi naturelle de vie qui régit le cœur humain et toute la vie sociale. Sans l’amour, l’homme n’est rien… Il meurt ! Comme une plante sans eau…Dieu tient plus que nous à notre liberté, tout en nous donnant les grâces et les dons nécessaires pour la vivre. Pour cela, Dieu nous libère du poids de nos esclavages. Libération qui est un « combat de tous les jours » car les dons de Dieu viennent toujours se greffer sur notre nature humaine. Rien de magique dans les sacrements ! Le sacrement du mariage est un don de Dieu fait pour que nous vivions selon la loi de l’amour chaque jour de notre vie.

 II y a, dans notre société, un courant de pensée qui va à l’encontre de l’engagement à long terme. L’opinion généralement répandue est la suivante : « Je dois être libre de faire ce que je veux ». Les gens veulent pouvoir décider par eux-mêmes d’entamer une relation ou de la rompre, comme ils le veulent et quand ils le veulent. On entend souvent cette question : est-ce que ça sert à quelque chose de s’engager pour la vie dans le mariage ?
Beaucoup de couples choisissent de cohabiter plutôt que de se marier.
Pourtant les ruptures dans les relations de concubinage sont plus fréquentes que dans le mariage. En général, ces relations ne durent pas et, une fois la passion de départ émoussée, le couple laisse passer sa chance de développer une intimité profonde et durable.
Voici pourquoi :
L’intimité requiert de la transparence, c’est-à-dire laisser l’autre voir ce que nous sommes réellement ; lorsque nous sommes prêts à parler de nos craintes et de nos espérances, de nos rêves et de nos désillusions, de nos forces et de nos faiblesses : c’est seulement à ce moment-là que nous parvenons à une véritable intimité.
Cette transparence ne va pas sans confiance : nous n’ouvrirons notre cœur à l’autre que si nous avons confiance en lui (elle) et que nous avons l’assurance qu’il (elle) n’utilisera pas à mauvais escient ce que nous révélons.
Or la confiance requiert l’engagement : c’est seulement lorsque nous savons que l’autre ne va pas nous plaquer, qu’il continuera de nous aimer, qu’il restera avec nous dans les moments de bonheur comme dans les épreuves (qui sont le lot de toute relation), que nous sommes disposés à lui faire confiance.
Le mariage nous invite à nous réengager constamment envers l’idéal.
Nous mettons l’ « amour » en pratique en répondant aux besoins de l’autre. Nous mettons la « fidélité » en pratique en continuant à y répondre même lorsque nous n’en n’avons pas envie.

En régime chrétien, il importe de connaître la position du magistère. Celui-ci considère le mariage comme un sacrement, c’est-à-dire un acte de l’Église qui signifie et réalise l’entrée de l’homme dans le mystère du Christ. Il intéresse donc Dieu, car le oui à l’autre est aussi oui à Dieu, qui en retour consolide le consentement en s’engageant avec le couple. Ainsi, l’on ne se marie pas que pour s’aimer, mais aussi pour fonder une famille prête à accueillir et éduquer des enfants. Par conséquent, le modèle proposé par l’Église est celui de la famille conjugale : père, mère-enfant(s), dans le cadre d’un lien unique et définitif (cf. canon 1056 du Code de droit canonique). La pertinence de ce modèle tient au fait qu’il structure le couple et la famille, mais aussi, il est un chemin de bonheur pour l’humanité entière. En effet, il profite à la fois aux conjoints, à la société, et encore plus à l’enfant. La constitution Gaudium et spes n° 47 du concile Vatican II relève justement que le salut de l’individu et de la société est étroitement lié à une heureuse situation de la communauté conjugale et familiale.
 Notre contribution s’inspire de ces ouvrages : Xavier, LACROIX, Le mariage… tout simplement ; L’avenir c’est l’autre, Dix conférences sur l’amour et la famille ; De chair et de parole. Fonder la famille.