C’est une question brûlante, elle apparait comme une injonction qui tranche sur toutes les autres. D’abord, parce qu’elle est la question intime par excellence : « Quel est le sens de ma vie ? » pourrait se décliner ainsi : « Est-ce que je compte pour quelqu’un ? Suis-je aimé ? Suis-je appelé par quelqu’un à quelque chose ? Comment faire pour qu’au soir de ma vie, je puisse  dire qu’elle a valu la peine d’être vécue, que tout n’a pas été vain ? » Ensuite, parce qu’elle est éminemment ouverte et qu’aucune réponse toute faite ne peut la satisfaire. Elle révèle notre connivence avec l’infini : nous ne nous poserions pas cette question si notre condition finie n’aspirait à ce dernier, si nous n’étions pas faits pour quelque chose qui nous dépasse.

 

Considérons le pèlerin, aux prises avec lui-même, devant un terme qui le précédant lui échappe : celui qui ne trouve pas le sens de sa vie ne serait-il pas comparable au pèlerin perdu en chemin, tournant en rond, et désespérant de trouver l’issue ? En quelques mots, voici un petit manuel à l’usage de  marcheurs égarés.

 

Première règle d’or : quand les pistes se brouillent, que la peur ou l’énervement est à son comble, s’arrêter, reprendre souffle, se calmer et mettre tous ses sens en éveil, à l’affût du moindre indice pour retrouver la route. Prenons donc le temps de faire silence pour laisser venir au jour notre intériorité ensevelie sous le flot des messages téléphoniques et informatiques, envahie par les bruits parasites de la télé, embrigadée dans le rythme lancinant « métro-boulot-dodo ». Osons marquer une rupture dans la spirale des évènements de notre vie. Là où nous survivons, nous arrêter pour goûter à la vie, dans ce qu’elle a de plus simple et gratuit. Pourquoi ne pas réserver dans nos agendas des temps d’arrêt réguliers pour prendre l’air, se détendre, contempler la nature ou de belles œuvres d’art, ou encore  pour prier ?

 

Deuxième règle d’or du marcheur égaré : relire le chemin parcouru. Une fois arrêté, le marcheur prendra peut-être le temps d’examiner sa carte de randonnée, de revoir le tracé qu’il a cru faire, en se souvenant des bornes, des indices rencontrés sur sa route. Ou peut-être se verra t-il demander de l’aide à quelqu’un, pour se repérer sur la carte. Et nous, quels évènements de notre vie pouvons-nous considérer comme des bornes précieuses donnant assise à notre quotidien. Des amis, qui nous connaissent bien, peuvent nous aider à nous souvenir : quelle rencontre, ou quel évènement nous a permis de rebondir, d’aller de l’avant, et constitue aujourd’hui un point d’ancrage pour continuer la route dans l’espérance ? Au cœur d’une réalité peut-être souffrante de notre vie, faire mémoire des faits concrets qui nous ont redonné courage, de la parole qui a fait naitre la confiance, du pardon échangé qui a ouvert un nouveau chemin.

 

Troisième règle d’or : fuir l’immobilisme, se décider à poursuivre la route. Il nous faut donc aller de l’avant, aller vers le lieu de la vie et persévérer dans la direction choisie. Osons la confiance : bien que le terme ne se dessine pas encore à nos yeux, il nous précède et nous attend !

 

Quatrième règle d’or : fuir l’isolement et rejoindre l’espace habité. Prévenant la nuit qui arrive, le marcheur choisit une route où il peut être  repérable pour d’autres qui le chercheraient. La réponse au sens de notre de vie ne peut donc être strictement individuelle : elle s’inscrit au contraire dans une recherche qui est celle de tous nos pairs. C’est avec eux, dans le partage de nos doutes et questionnements, que la route va s’inventer.