« Je ne m’aime pas et me trouve nul » : certains n’ont même pas besoin de le dire, leur attitude parle pour eux. Cette sentence évoque un système construit dans lequel on est enfermé. « Ai-je raison ? » Quelle réponse peut-on attendre ?… Une validation ? « Oui, en effet… » Mais l’apostrophe semble appeler le contraire. Ou alors une tentative de soutien ? « Mais non, vous n’êtes pas nul… Vous devez vous aimer… » Mais peut-on s’aimer sur injonction ?
 Regards croisés
La réponse n’est pas simple… parce que le questionnement lui-même ne l’est pas : il appelle une réponse extérieure à une quête qui elle, est d’abord intérieure, celle de la recherche de sa valeur à ses propres yeux. Et ce qui complique encore les choses, c’est que cette quête se nourrit du regard extérieur des autres. On ne s’aime pas « tout seul » : l’amour de soi ne part pas de soi pour former des cercles concentriques autour de soi car cette façon là de s’aimer serait exclusivement narcissique. L’amour de soi n’est pas déconnecté des autres : c’est parce qu’on a été aimé qu’on peut s’aimer et aimer les autres à son tour. Contrairement à ce qu’on peut lire parfois, ce n’est donc pas en se détachant du regard des autres qu’on apprendra à s’aimer, mais en y puisant les reflets positifs qui nous sont renvoyés et en ayant à notre tour un regard bienveillant sur les autres. C’est un cercle vertueux qui se nourrit de bienveillance, d’accueil et de don.
 Pas tous égaux…
Cela semble si simple et pourtant… Nous ne sommes pas tous égaux face à cette aptitude à nous aimer. D’abord parce qu’elle dépend de la façon dont nous avons été aimés dès le plus jeune âge : certaines « empreintes » précoces de manque affectif ou de dévalorisation peuvent nous suivre longtemps si nous n’avons pas la possibilité de nous en libérer. Ainsi, avoir entendu toute son enfance : « Tu es nul » n’aide pas à se forger une bonne estime de soi. De même, avoir eu comme modèle un parent qui se trouvait lui-même nul peut se révéler être un héritage encombrant. Peut-être même découvrira-t-on un jour qu’il existe un gêne responsable de la mésestime de soi, qui sait ? On hérite bien de la couleur des yeux de ses parents… Pourquoi certains traits de caractère ne seraient-il pas eux aussi conditionnés par nos gênes ? Mais quel qu’ils soient, ces héritages nous permettent d’entrevoir une première réponse à la question : on n’a pas raison de se trouver nul et de ne pas s’aimer, mais on peut avoir « des raisons » pour cela.
 S’aimer ou ne pas s’aimer…
Tort ou raison de ne pas s’aimer ? Et si la réponse était autre ? Comme bien souvent, la vraie question dépasse le simple constat ou la justification pour poser celle du choix et des moyens : est-ce que j’ai envie de m’aimer et de découvrir que j’ai de la valeur ou suis-je bien comme cela ? Quels avantages y aurait-il pour moi à ne pas m’aimer et à me trouver nul ? Qu’est-ce que je risque en m’aimant ? Est-ce que je considère que c’est une bonne chose de m’aimer ?… Accepter de se poser lucidement ces questions, c’est faire un premier pas vers le changement. Viendra ensuite la question des moyens : comment sortir de cette mésestime de moi-même ?
 Les aides ne manquent pas
Il existe de nombreuses possibilités d’aide si l’on souhaite entrer dans un regard plus positif sur soi : l’accompagnement individuel par une personne formée à la relation d’aide ou la participation à des sessions de groupe où l’on travaille l’estime de soi ou divers thèmes autour de la connaissance de soi. Il faut bien évidemment choisir un accompagnement fiable et qui nous conviennent personnellement. Et au-delà de l’accompagnement, il est toujours possible d’apprendre à cultiver un regard privilégiant le positif, à repérer et accueillir les cadeaux de la vie. On peut par exemple décider de noter chaque jour tous les moments de bonheur ou de bien-être que l’on a eus, aussi petits qu’ils paraissent : quelqu’un qui nous a rendu service, un autre qui a eu telle attention pour nous, un ciel bleu, un beau paysage, une satisfaction dans son travail ou ses activités, un sentiment agréable… Il y en a forcément : quand on les cherche, on les trouve et on apprend ainsi petit à petit à éveiller sa sensibilité. Et à force de cultiver ce regard positif sur la vie et sur les autres, on finit assurément par avoir plus de douceur envers soi-même.